(2014) Ticket_1423
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(2014) Ticket_1423

Cette nuit au Samu social a été une très bonne expérience, et j'ai trouvé intéressant d'aller y faire un tour en tant que futur médecin. En premier, la double écoute : des personnes sans logement, ou des familles (qui appellent sur le même standard que tout le monde pendant la nuit) qui demandent s'il y a de la place pour dormir. Souvent les personnes sont déjà connues du SAMU social, elles sont parfois suivies depuis plusieurs années. Des jeunes ou des vieux, moins de personnes d'âge intermédiaire. Certains ont besoin de parler, d'être écoutés, et remercient leur interlocutrice, d'autres l'injurient et raccrochent, car il n'y avait plus de place pour la nuit. Et ensuite la maraude : on est quatre dans le camion, une conductrice, une assistante sociale, une infirmière et moi. Le camion patrouille toute la nuit dans son secteur (3-4 quartiers voisins), soit en se rendant sur un lieu indiqué par un appel au 115, soit en avançant au hasard, ou encore en se rendant chez les "habitués", les SDF connus de l'équipe qui ont établi leur campement dans la rue. Si je dois retenir un moment de cette nuit, c'est la visite à deux "habitués" qui se sont installés sous un pont, dans une rue peu fréquentée. Les deux personnes sont chacune installée sur un trottoir, nous allons les voir une par une pour leur apporter à manger, une couverture, des vêtements. Le premier, Mahmoud, est assez désagréable, il refuse la soupe proposée par l'équipe, nous envoie balader, on n'insiste pas. La deuxième personne est une femme qui a la cinquantaine. Elle refuse qu'on s'approche tous ensemble et c'est finalement l'infirmière qui va lui parler. Elle lui raconte que les policiers sont venus tôt ce matin avec des éboueurs pour jeter sa "maison", ils lui ont tout pris, son matelas, ses parapluies qui lui servaient de toit, ses assiettes, tout ce petit aménagement qu'elle a réussi à assembler au fil du temps. Ils on juste dit qu'elle "gênait"... Heureusement, elle a pu récupérer un matelas apporté par une habitante du quartier. Nous repartons, horrifiées par le manque d'humanité de ces policiers, et surtout de la personne qui leur a donné l'ordre de tout enlever à cette femme. Cette nuit a donc été riche en expériences, on s'y sent utile, et on prend conscience d'une réalité qu'on refuse souvent de voir.